Jorge Bucay:Laisse-moi te raconter.. : Les chemins de la vie
- Pasta blanda 2007, ISBN: 9782846662338
Paris: Seuil, 2007. Coll. "Le don des langues" Traduites de l'allemand , presentées et annotées par Stéphane Pesnel. In-8, 557p, br., couverture ill., i… Más…
Paris: Seuil, 2007. Coll. "Le don des langues" Traduites de l'allemand , presentées et annotées par Stéphane Pesnel. In-8, 557p, br., couverture ill., index. Neuf Poids:1.5lbs -682 grammes ******* "On connaît peu ou pas cet écrivain autrichien, romancier, grand prosateur de la première moitié du XXe siècle et tout autant grand journaliste, né en 1894 en Galicie, près de la frontière russe, mort, jeune, à Paris, à lâge de quarante-cinq ans. La correspondance de Joseph Roth, mise à la lumière par Stéphane Pesnel (récompensé par le prix Sévigné 2007) qui lui rend hommage, permet douvrir en même temps que vingt-huit années dune vie déjà commencée, tout le visage dune époque ; celle de la crise politique de lEurope et de la menace montante du nazisme, celle dun intellectuel juif allemand, témoin de cette crise, désespéré dune Autriche perdue, apatride et contraint de lêtre, lorsque Hitler arrive au pouvoir, en 1933, parce que « ses origines juives, sa sensibilité humaniste et son exceptionnelle clairvoyance politique » lui avaient dicté le choix de lexil en France. Lire cette correspondance, cest suivre, depuis les années de jeunesse, lautoportrait dun écrivain de culture à la fois juive, slave et allemande, attaché à la littérature et à lécriture, conscient de la fondamentale question de la responsabilité morale de lécrivain, attaché à sa langue allemande envers et contre tout, qui écrit comme il souffre, réinvente parfois son histoire et son identité, se confie, enjoué, affectueux, à ses jeunes cousines, nous fait partager une correspondance des plus lucides et des plus riches avec son contemporain Stefan Zweig (1881-1942), son grand interlocuteur pendant plus dune dizaine dannées, laisse toute sa vulnérabilité, sa détresse infinie sépancher, lorsquil écrit à sa traductrice et chère confidente Blanche Gidon, à qui il avouera - misérablement malade, buveur, honteusement pauvre - que son « coeur est aussi vide quun désert et aussi obscur quune fosse souterraine » (8 mai 1936), alors quil se laisse, peu à peu, mourir. Dans ses jeunes années, il étudie la philosophie et les lettres, à Lemberg, puis à Vienne. Il est correspondant de guerre, pendant la Première Guerre mondiale. Dès 1923, à Vienne à nouveau, il devient journaliste - chronique, reporte, croque faits quotidiens, observations, aperçus de destins individuels -, excelle dans cette carrière, quil mènera toujours de front avec celle de romancier. En 1932, un an avant de quitter lAllemagne pour la France et lexil définitif, il achève son uvre la plus célèbre ; roman historique et magistrale analyse, La Marche de Radeztky (1932) retrace la chute de lEmpire austro-hongrois et la désintégration de la société autrichienne à travers trois générations de la famille von Trotta. En 1933, il est à Paris. Joseph Roth collabore à des journaux démigrés allemands, poursuit son oeuvre romanesque, voyage un temps en Europe puis finit par ne plus bouger du minuscule périmètre parisien qui lui sert dasile, à jamais nostalgique dun paradis perdu sinon malade de lui-même et malheureux de la consolidation du pouvoir hitlérien. Les lettres des débuts le montrent léger, empli dhumour, dénergie de vie, heureux de rêver. Ainsi, à sa cousine, Paula, à qui il raconte sa vie détudiant, en 1916, de Vienne, il écrit : « Aujourdhui, aujourdhui seulement, je suis à la fois doge de Venise et va-nu-pieds italien, mais demain, demain, je serai de nouveau un poète allemand perdu dans ses rêves, un amoureux de lart, un étudiant en littérature allemande inscrit en sixième semestre et disciple du professeur Brecht. (...) Jai un sofa rouge avec des décorations jaunes, je vais bientôt my allonger pour faire un somme. Il est maintenant trois heures et je resterai allongé jusquà cinq heures. Puis je ferai ma toilette et jirai me promener. » (p.26). Plus tard, au milieu de vux quil lui adresse, il lui souhaitera de ne jamais perdre le rire. « Le rire est une clochette au son léger et argentin quun bon génie nous a donnée pour quelle nous accompagne sur le chemin de notre vie. Mais parce quelle est si légère et difficile à garder bien en main, on risque de la perdre. Quelque part en chemin. Et le destin vient à passer avec ses bottes aux semelles épaisses et le foule aux pieds, ce rire. » (p.27). Vu prémonitoire, quil sétait peut-être adressé à lui-même, pour se préserver de ce quil nallait pas tarder à perdre ?... Il écrit, il écrit chaque jour, dans « le seul but - dit-il - de me perdre dans des destins imaginaires ». Il écrit avec acharnement, mais le cur ny est bientôt plus. À Stefan Zweig, le 23 octobre 1930, il confie : « Qui ne se sentirait pas écoeuré par la situation politique ? Vous avez raison, lEurope est en train de se suicider, et la lenteur et la cruauté de ce suicide proviennent du fait que cest un cadavre qui est en train de se suicider. Cette lente agonie présente une similitude diaboliquement troublante avec une psychose. Cest à cela que ressemble le suicide dun psychotique. Le diable gouverne véritablement le monde. » (p.201). Près dune dizaine dannées plus tard, avant de mourir, il est conscient que « cette décennie, avec ce quelle contient dintense perversité infernale, aurait de quoi déshonorer des siècles ». Pour Joseph Roth, comme pour les héros de ses romans, linnocence existentielle est à jamais perdue. Ses dernières lettres, à Stefan Zweig comme à Blanche Gidon le montrent inquiet, amer, pessimiste, épuisé par des corrections de manuscrit, en proie à des souffrances indicibles, préoccupé de trouver de largent pour survivre, soucieux de se désintoxiquer de lalcool qui le détruit, loin dêtre en bonne santé. Le 16 juin 1936, il écrit à Blanche Gidon : « Depuis environ trois ou quatre semaines, je ne bois plus une goutte deau de vie. Ma situation ne sen est pas améliorée pour autant. Et ma santé nest guère meilleure. Au moment où lon se trouve tout au bord du précipice, ce genre de considérations na plus guère de sens. Mais je ne bois que du vin, mes pieds sont tout de même enflés, mon cur est empli de chagrin, aussi lourd quune pierre, et face à moi il ny a que le vide au sens propre du terme. Cest un sentiment effroyable que de ne pas savoir, de ne pas savoir le moins du monde de quoi on va vivre la semaine qui vient. Il y a seize ans, je pouvais le supporter. Aujourdhui je ne le peux plus. » (p. 504). Sa dernière lettre connue, cest à elle encore quil ladressera. Il meurt le 27 mai 1939, à lhôpital ; lui aura été épargnée la douleur de la déclaration de guerre, de la débâcle, de la Shoah. Dans un cimetière de banlieue, on peut lire sur la dalle grise cette simple indication : « Poète autrichien », alors quil avait, dit-on (cf. Joseph Roth, le saint buveur de Géza von Cziffra/Anatolia/Éditions du Rocher), exprimé le désir, que cette phrase de Kleist fût gravée sur sa tombe : « La vérité cest que personne ne peut rien pour moi sur cette terre ». Article de Corinne Amar., Seuil, 2007, 0, A Vue d'Oeil, 2005. Paperback. Good. Former library book. Slight signs of wear on the cover. Soiling on the side. Ammareal gives back up to 15% of this book's net price to charity organizations., A Vue d'Oeil, 2005, 2.5<